Legault retire le projet de loi 97 controversé visant à réformer lindustrie forestière

Stephanie de Seveall Jesse Staniforth Kim Sullivan
11 Min Read
Legault retire le projet de loi 97 controversé visant à réformer lindustrie forestière

Le premier ministre François Legault a annoncé jeudi midi que son gouvernement avait abandonne le projet de loi 97, qui visait à réformer l’industrie forestière de la province. Legault a fait cette annonce lors de la conférence annuelle de la Fédération des municipalités du Québec. Cette décision fait suite à plusieurs mois d’opposition de la part de divers groupes autochtones, notamment l’Assemblée des Premières Nations Québec–Labrador (APNQL), de Premières Nations Innues, Atikamekws et Algonquines, ainsi que des organisations représentant les chefs ancestraux. Plusieurs grands syndicats, organisations pour la défense de la nature ainsi que les Zecs se sont également prononcés contre le projet de loi. « À la fin de l’exercice, c’était préférable de le retirer », le chef régional de l’APNQL, Francis Verreault-Paul, a déclaré à APTN Nouvelles nationales. « On est bien satisfaits, mais maintenant, bien sûr, on est aux aguets pour la suite des choses. » Lundi dernier dans une lettre commune, l’APNQL et plusieurs conseils de bande atikamekw, innus et algonquins se sont joints à des syndicats et à des organisations environnementales pour manifester leur opposition commune au projet de loi. « On a réitéré tous ensemble que la solution actuelle était de retirer le projet de loi 97 et de revenir avec une nouvelle mouture totalement différente, » a déclaré Verreault-Paul. « Bien, moins de quatre jours plus tard, est-ce que vous vous attendiez à cette nouvelle du gouvernement du Québec hier? Bien, c’était à leur couvert, mais on est bien sûr satisfaits de cette nouvelle. C’est ce qu’on demandait ». Le chef régional Francis Verreault-Paul s’adresse à l’Assemblée des Premières Nations. Photo : APTN News La loi controversée proposait une division des terres publiques en trois zones distinctes pour la foresterie, dont une zone protégée, une zone pour l’exploitation des ressources et une troisième zone combinant les deux. Officiellement appelée projet de loi 97, la législation proposée a suscité une forte opposition de la part des dirigeants des Premières Nations avant même d’être déposée en avril dernier. Depuis lors, elle a provoqué divers blocages dans les zones fortement boisées des territoires des Atikamekw et des Innus, ainsi que des manifestations dans des villes du sud comme Montréal. Le projet de loi 97 a également suscité la rancœur de l’APNQL, qui s’est retirée des négociations avec le Québec sur le projet de loi cet été, avant de revenir uniquement pour demander au gouvernement d’assumer la responsabilité du chaos qui a suivi le dépôt du projet de loi. En savoir plus: L’opposition au projet de loi 97 sur la foresterie prend de l’ampleur Projet de loi 97 : Ministres, Premières Nations reprennent les négociations alors que les tensions montent Jean-François Simard, le nouveau ministre des Ressources naturelles et des Forêts, aurait reçu pour mandat de repartir de zéro. Simard remplace Maïtée Blanchette Vézina, qui était la ministre chargée de présenter le projet de loi 97, jusqu’à ce qu’elle soit écartée du cabinet de Legault la semaine dernière suite à un remaniement ministériel. À la suite de son éviction du cabinet, Blanchette Vézina a démissionné de la Coalition Avenir Québec le 18 septembre et siège comme indépendante depuis. Elle a ainsi demandé à Legault de démissionner. Dave Petiquay a été l’un des opposants les plus actifs et les plus ardents au projet de loi 97. Membre du groupe Mamo First Nations, qui réunit des membres des nations Atikamekw, Innu et Abenaki opposés au projet de loi 97, Petiquay a été aux premières lignes des barrages forestiers tout au long de l’été.Il a déclaré à APTN qu’il était heureux d’avoir l’occasion de faire une pause. “La réaction, ça a été les deux », dit-il. « Contents, mais on sait que le combat [qu’on a] fait [va être à] recommencer. Parce que, sûrement, avec le nouveau régime qu’ils veulent en faire aussi, on va sûrement être en désaccord si on [n’est] pas encore là-dessus dans la discussion. » Petiquay, qui est Atikamekw de la communauté de Wemotaci, a déclaré que son peuple n’avait jamais cédé la forêt qu’il défendait et qu’il ne voulait pas qu’elle soit donnée à des entreprises forestières. Il a ajouté que la forêt devrait plutôt être gérée de manière moins intrusive, selon un mode plus traditionnel, qui laisse aux arbres le temps d’atteindre leur maturité. “C’est des baguettes qui transportent. Ce n’est pas du bois mûr. C’est des petits bouts. Il faut qu’un arbre devienne à maturité. Ça prend minimum 45 ans. Il y a des places, surtout nous autres, c’est à peu près 4 ou 5 coupes générationnelles qu’on a dans certains territoires. Ce n’est pas les premières années ici. Ça a déjà été bûché 3-4 fois ici. » Un bûcheron dans une confrontation avec Dave Petiquay, défenseur des terres des Premières Nations MAMO. Capture d’écran tirée d’une vidéo de Lisanne Pittikwi, Facebook Les Premières Nations Mamo contestent le pouvoir des conseils de bande élus, soulignant que leur pouvoir est limité en vertu de la Loi sur les Indiens aux terres de réserve, mais pas aux territoires ancestraux. Suivant l’exemple des défenseurs des terres en Colombie-Britannique ces dernières années, les Premières Nations Mamo ont cherché à valoriser l’autorité des chefs ancestraux. Ce qui place le groupe en désaccord avec l’APNQL et les conseils élus, comme celui de la communauté d’origine de Petiquay, et les a exclus des discussions qui ont eu lieu avec le gouvernement de la province. Parmi les partisans des Premières Nations Mamo figure le militant Pekuakamiulnu Xan Choquet, originaire de Mashteuiatsh, qui a organisé des manifestations à Montréal. Il a déclaré à APTN qu’il espérait que la province consulterait les chefs ancestraux, ainsi que les représentants élus, tels que l’APNQL. « Je ne sais pas à quel point moi je vois ça comme une excellente nouvelle », a déclaré Choquet, « entre autres parce qu’on sait qu’il y a quelque chose d’autre qui s’en vient. Puis, entre-temps, les forêts sont quand même détruites, sont quand même coupées, les compagnies forestières continuent leur travail. » Le militant a fait valoir que lui et d’autres ne se sont pas tant battus contre la loi PL-97 que pour défendre la souveraineté des Premières Nations. À cette fin, ils espèrent que la nouvelle loi sera rédigée non seulement en consultation avec les Premières Nations, mais aussi dans le respect des traditions et des perspectives autochtones. En ce sens, Choquet semble en accord avec Verreault-Paul, qui voit dans la réécriture du projet de loi une occasion de marier les connaissances autochtones et occidentales. « Les forêts, c’est vraiment notre identité en tant que Première Nation », a déclaré Verreault-Paul. « Donc, on se doit de jouer un rôle de premier plan pour la saine gestion de la forêt, s’assurer qu’elle reste en santé. » Puisque que le projet de loi 97 a à la fois provoqué des conflits avec les allochtones et galvanisé le soutien des non-Autochtones à l’opposition autochtone au projet de loi, Verreault-Paul a déclaré que l’APNQL était pleinement consciente et préoccupée par les enjeux économiques, en particulier ceux qui touchent les travailleurs forestiers. « Mais il y a également la préservation de la biodiversité et des écosystèmes de nos modes de vie traditionnels. On veut trouver juste un milieu, cet équilibre. Et je suis vraiment confiant que c’est possible parce qu’on travaille avec des experts au niveau des Premières Nations qui nous disent que c’est possible. On a des solutions concrètes à proposer pour la suite des choses. » Après un été marqué par de vives tensions autour de la question forestière, Verreault-Paul estime qu’il n’y a pas grand-chose à gagner à adopter une position conflictuelle. « Je pense qu’on se doit de s’asseoir ensemble », dit-il, « de trouver des solutions, de s’expliquer mutuellement de ce que l’on parle également, d’apprendre du passé. On a vu les effets sur la forêt au niveau d’exploitation. » Choquet, à l’avant-plan depuis le début des manifestations, a déclaré que la décision d’abandonner le projet de loi était un pas dans la bonne direction, mais seulement un pas. « On n’a pas non plus notre autodétermination, on n’a pas non plus notre souveraineté là-dedans. Donc, ça reste à voir pour la suite en fait. » Petiquay a déclaré à APTN qu’il ne savait pas si son groupe serait invité à participer aux futures négociations, mais il estime que le gouvernement est tenu de les inclure. « Parce que, si Mamo Première Nation et les gardiens de terre ne sont pas à la table de discussion, c’est sûr que nous allons encore exercer nos exercices de souveraineté ancestrale. Autrement dit, un maudit bloc ici. » Petiquay a encouragé ses partisans à participer à une manifestation prévue à Québec, le 30 septembre, à l’occasion du retour des députés à l’Assemblée nationale du Québec, que Legault a prorogée au 10 septembre. Continue Reading

Share This Article
Leave a Comment

Please Login to Comment.

x  Powerful Protection for WordPress, from Shield Security
This Site Is Protected By
Shield Security