Le Conseil innu d’Uashat mak Mani-Utenam (ITUM) et son chef Jonathan Shetush, qui en est à son 100e jour en fonction, ont annoncé la création d’une aire protégée couvrant toute la longueur de la rivière Moisie, dans l’est du Québec. Annoncé le 2 septembre, le projet s’intitule « l’aire protégée innue du bassin versant de la Mishta-shipu (rivière Moisie) ». André Michel, directeur du Bureau de protection des droits et du territoire de l’ITUM, explique que la Moisie, connue en innu-aimun sous le nom de « Mishta-shipu », ou « la grande rivière », est au cœur de la vie de la communauté. « Toute l’histoire de la nation Innue d’Uashat mak Mani-utenam repose sur cette rivière », a déclaré Michel à APTN News. «Nos ancêtres étaient nomades pour passer 10 mois par année à l’intérieur des terres. Puis, c’est la voie principale de pénétration qui menait à l’intérieur des terres où ils seront passés tout l’hiver à la recherche du caribou. » La Moisie rejoint le Saint-Laurent près de la réserve innue de Mani-utenam qui, avec sa communauté sœur d’Uashat, borde la ville de Sept-Îles, à onze heures au nord-est de Montréal. Michel est biologiste de formation, spécialisé dans les caribous migrateurs et des bois, ainsi que dans le saumon de l’Atlantique. Bien qu’il soit le directeur de l’organisation depuis six ans, il travaille au Bureau de défense des droits et du territoire de l’ITUM depuis 2004 et s’occupe du dossier de la rivière Moisie depuis son arrivée. Son bureau a préparé des cartes de la zone de protection de la rivière Moisie, dont l’objectif est de préserver les caribous et les saumons, ainsi que les portages traditionnels des Innus. Carte de la zone protégée Innue du bassin versant Mishta-shipu (rivière Moisie). Image : ITUM. « Quand le gouvernement a les critères pour eux autres au niveau de reconnaître un aire protégé », explique-t-il, « il se base sur des critères de biodiversité, d’espèces fauniques, etc. Tandis que nous autres, notre air protégé, on l’a clairement identifié aussi dans la carte, la priorité principale, c’est le patrimoine Innu. » Pour Michel, les portages indiqués sur la carte en innu-aimun ont des sites ancestraux. « On a clairement identifié la priorité principale qu’on essaie aussi de protéger, qui n’est pas reconnue parmi les critères que le gouvernement met en place au niveau de la validité des aires protégées. » À partir de 2003, le gouvernement du Québec a proposé le projet de Réserve aquatique projetée de la rivière Moisie, mais il n’a pas réussi à obtenir le soutien des membres de la communauté Uashat mak Mani-utenam. Michel a déclaré que l’un des principaux échecs du projet de réserve aquatique projetée de la rivière Moisie était ses limites, car il ne protégeait qu’une partie du territoire et du bassin versant de la rivière. « Dans notre projet, c’est l’ensemble du bassin versant, tout le réseau hydrographique où chaque goutte d’eau sort par la rivière Moisie », explique Michel. « Tout ça est protégé maintenant, mais c’est un projet un peu plus ambitieux et un peu plus preneur. » Le projet précédent avait laissé un affluent de la Moisie sans protection. Michel explique que son équipe croyait que le gouvernement du Québec réservait ces zones pour une exploitation forestière potentielle. Le projet de l’ITUM vise à protéger la Moisie jusqu’à la frontière de Terre-Neuve-et-Labrador. En savoir plus: Jonathan Shetush : un nouveau chef pour Uashat mak Mani-Utenam Le gouvernement de Uashat Mak Mani-Utenam adopte la Loi Tshisheuatishitau « Les projets qu’on a soumis à protéger, peut-être qu’ils ne seront pas acceptés en totalité », a déclaré Michel. « Mais on a dit même si le gouvernement du Québec [n’accepte pas] les projets d’air protégé, nous autres, en tant qu’Innu, on les protège, on les reconnaît comme des aires protégés autochtones. Et s’il y a du développement dans ce territoire-là, que ce soit forestier, hydroélectrique ou minier, on va s’opposer à tous les projets qui vont être dans cet aire protégé-là. » Un représentant du cabinet de Ministre de l’Environnement, Benoit Charrette, a déclaré dans un communiqué à APTN Nouvelles nationales : « Nous saluons l’initiative de la communauté d’Uashat, qui s’inscrit dans notre volonté de développer des aires protégées en collaboration avec les nations autochtones. Ce projet, déposé dans le cadre de l’appel à projets du gouvernement, contribue à l’atteinte de notre cible de conservation de 30 % du territoire d’ici 2030 et poursuit actuellement son chemin à travers la concertation régionale. » Au-delà des obstacles au développement, l’un des principaux défis pour l’ITUM est l’existence du Camp Adams, un club de pêche privé fondé en 1907 au bord de la rivière. Selon un article du journal Le Devoir, il appartient actuellement à trois Américains dont la fortune s’élève à plusieurs milliards de dollars. Outre le terrain sur lequel se trouve le club, les propriétaires détiennent également les droits sur le lit de la rivière Moisie. « C’est une aberration historique, le clivage », a déclaré Michel. « Toutes les rivières du Québec étaient possédées par des intérêts américains il y a quelques années, dans les années 70. » Dans les années 1980, le Québec a connu un processus de « déclubage » afin de rendre publique les rivières de la province. Entre les années 1970 et 1980, le Québec a connu un processus de « déclubage », qui consistait à retirer leurs permis aux clubs privés de chasse et de pêche afin de rendre une grande partie de la province accessible au public. À la fin des années 1970, les gouvernements du Québec ont cessé d’accorder de nouveaux baux aux clubs privés de chasse et de pêche, puis ont rapidement annulé la plupart des baux existants pour plus de 1 000 clubs privés. Le Club Adams est l’un des rares clubs privés du Québec à avoir conservé son bail et ses droits exclusifs sur une rivière. « Avant ça, seulement les riches étaient propriétaires des plus grosses rivières », se souvient Michel, « C’était accès limité à des étrangers. Les terrains privés ici, dans la ville de Sept-Îles, les gens qui veulent se construire des maisons, ça, on est d’accord, c’est des terrains privés. Mais une belle rivière comme ça devrait appartenir à tout le monde, aux Innu, aux Sept-Îliens. Comment ça se fait qu’une rivière peut être privatisée ? » Le 15 juin, trois semaines après son élection, le chef Jonathan Shetush a mené une flottille de canoës et de bateaux transportant une soixantaine d’Innus jusqu’au camp Adams, où certains ont installé leur campement, tandis que d’autres ont retiré le drapeau du Québec du mât du camp Adams et l’ont remis à un représentant du camp, élevant leur propre drapeau à sa place. Shetush et les participants ont exigé que le Québec exproprie le club et rende les droits sur la rivière aux Innus afin qu’ils puissent le gérer selon leurs valeurs. L’ITUM ne s’oppose pas à tous les projets de développement, et Michel affirme qu’ils ont accepté des projets dans d’autres régions du territoire ancestral des Innus, connu sous le nom de Nitassinan. L’ITUM n’est donc pas fermé aux affaires, mais Michel souligne que certaines zones resteront protégées quoi qu’il arrive. Continue Reading
Une nation Innue déclare lensemble de la rivière Moisie zone protégée

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